Deuxième partie : Dispositif expérimental

II Connexion d’un microscope à effet tunnel et d’un bâti d’épitaxie

1- Présentation de l'instrumentation

Le laboratoire d'électronique de l'Ecole Centrale de Lyon dispose d'un bâti d'épitaxie par jets moléculaires (figure II-1). Il permet de faire croître sur des substrats d'InP des semiconducteurs III-V dont l'élément V est l'arsenic. Les éléments III disponibles sont l'indium, le gallium et l'aluminium. Un dispositif RHEED permet de caractériser les couches pendant la croissance. Ce bâti d'épitaxie est connecté sous ultra-vide à divers instruments de caractérisation, notamment chimique par spectroscopie de photoélectrons (XPS) ou structurale par diffraction d’électrons lents (LEED). Il est également connecté à une enceinte de dépôts chimiques assistés par plasma (PECVD). Un tunnel de transfert central permet le transfert des échantillons entre les différentes parties du système. La pression dans le tunnel de transfert est de l’ordre de 10-8 à 10-9 torr. Nous avons connecté sur le tunnel de transfert principal une nouvelle enceinte sous ultra-vide destinée à recevoir le microscope à effet tunnel. Cette enceinte a été dotée d'une pompe ionique afin de lui conférer une autonomie de pompage et d'atteindre un vide optimum. Elle permet d'atteindre une pression résiduelle dans la gamme des 10-10 torr.

Le microscope à effet tunnel choisi pour être connecté au bâti d'épitaxie est un microscope commercial de type "Besocke Beetle" [1] (figure II-2). Sa rigidité et sa petite taille lui confèrent une sensibilité réduite aux perturbations mécaniques, acoustiques et thermiques. L’assemblage tunnel se compose de quatre tubes piézo-électriques (un tube central et trois tubes périphériques) montés sur une base constituée d’un cylindre en acier inoxydable. Les déformations de ces tubes sont commandées par les tensions qui leur sont appliquées : l'allongement d'un tube est déterminé par la différence de potentiel appliquée entre l’électrode interne et l’électrode externe. Les trois tubes piézo-électriques périphériques présentent quatre contacts électriques séparés sur l’extérieur du tube. Suivant les potentiels appliqués, le tube fléchit dans la direction Ox ou Oy.

Le tube central porte la pointe et est utilisé pour la régulation de la distance pointe-échantillon durant un balayage. Les tubes périphériques sont surmontés d'une bille d’acier. Ces billes supportent un anneau hélicoïdal sur lequel est déposé le porte-échantillon. Le contact bille-plan entre l’extrémité des tubes piézo-électriques et l’anneau hélicoïdal est étudié pour entraîner ou non un glissement suivant la vitesse de déformation des tubes. Si la sollicitation est rapide, il y a glissement. En combinant l’action des trois tubes on peut ainsi déplacer l’échantillon latéralement sur une grande distance ou lui faire décrire une rotation. L’approche de la pointe et les déplacements latéraux à grande distance sont obtenus par la répétition de la séquence frottements - glissements. L’approche de la pointe correspond à une rotation. En effet, l’échantillon repose sur une couronne hélicoïdale à trois pans (triple hélice) et sa rotation entraîne une modification de la distance entre la pointe et l'échantillon. L’amplitude maximale de l’approche est de 0.5 mm, elle est déterminée par le pas de la triple hélice. Pour le balayage pendant l'acquisition d'une image, les mouvements des tubes piézo électriques sont assez lents pour permettre un déplacement sans glissement de l'anneau portant l’échantillon. Ainsi les trois tubes périphériques sont utilisés à la fois pour l’approche de la pointe, pour les déplacements latéraux et pour le balayage de l’échantillon. Des amortisseurs élastomères "Viton" assurent une isolation mécanique entre la bride supportant le microscope et l’assemblage tunnel lui même.

2- Réalisation de la connexion

a) Implantation du microscope

Sur le système sous ultra-vide préexistant nous avons installé une enceinte destinée à recevoir le STM. Or le bon fonctionnement du microscope nécessite une isolation performante des vibrations mécaniques [2-5]. Le principe du système d'isolation choisi est de connecter le microscope à l’enceinte soumise aux vibrations par un soufflet déformable très élastique et de le fixer de façon rigide à un socle massif et isolé (figure II-3). Ce choix s'est imposé pour répondre aux particularités de ce projet : une ambiance vibratoire très défavorable et une configuration des appareils et des lieux très contraignante. Le microscope est monté sur une bride pour l’ultra vide de 9 cm (3,58 pouces) de diamètre. Cette bride est fixée sur un support rigide consistant en un trépied d’acier scellé sur un bloc de béton. Comme le microscope a été installé au rez de chaussée, il a été possible de construire son socle au sous sol, sans le connecter au bâtiment de façon à supprimer la transmission des vibrations du bâtiment. Le socle a été réalisé en plusieurs parties : d'abord une dalle de béton déconnectée des fondations de l’immeuble, de 3 mètres de long, 2,80 mètres de large et d’une épaisseur de 40 cm a été coulée à même le sol. Sur cette dalle a été édifié un mur formant une cavité rectangulaire. La cavité a été remplie de terre et recouverte d’une nouvelle couche de béton. Le but de cette construction était de minimiser la taille du trépied métallique sur lequel est fixé le STM pour augmenter sa rigidité. Ce trépied métallique a été réalisé à partir de poutres de section en U de 80mm de large et 40 mm de profondeur, d’une épaisseur de 5mm. Le plancher du rez de chaussée a été percé pour que les poutres le traversent sans le toucher. Un trépied rigide aurait pu être obtenu avec trois poutres symétriques convergentes. Ceci n’a pas été possible à cause de l’encombrement de l’installation existante et de la nécessité de ménager la place pour l’installation d’une pompe ionique supplémentaire. Aussi des poutres latérales ont été ajoutées pour augmenter la rigidité.

La bride fixée rigidement au trépied et supportant le STM est connectée à l’enceinte sous vide via un soufflet déformable [6] dont le rôle est d'encaisser les vibrations transmises par le bâti d’épitaxie. Ce soufflet est constitué de 50 membranes d’acier inoxydable, de 102 mm de diamètre interne, de 132 mm de diamètre externe et d’une épaisseur de 0,2 mm. La longueur totale du soufflet est de 167 mm. Le soufflet est calculé pour avoir un coefficient de transmission aussi faible que possible. Un amortissement des vibrations transmises ausoufflet a été obtenu en l'entourant d’un matériau élastomère. Il s’est avéré nécessaire pour éviter l’excitation des fréquences de résonance du soufflet.

b) Réalisation du système de transfert

Une fois le microscope installé, le deuxième problème était de concevoir les systèmes de transfert des échantillons sous ultra-vide pour transférer l'échantillon depuis le bâti de croissance jusqu'au STM. Les matériaux amenés à pénétrer dans une enceinte sous ultra vide doivent absorber peu les gaz et les désorber très rapidement afin de ne pas polluer le vide. Certains alliages comme le laiton, ou certains élastomères sont à proscrire. Les systèmes de transfert, le bâti d’épitaxie et tous les systèmes mécaniques restant sous vide en permanence sont réalisés en acier inoxydable. La désorption des parois nécessite un étuvage dont la température et la durée dépendent de leur propreté initiale, de leur état de surface et de la qualité du vide exigée. Cette durée doit impérativement être réduite au maximum pour tous les éléments ne restant pas en permanence dans le vide. C’est pourquoi il est nécessaire que les porte-échantillons soient réalisés dans le matériau le plus performant possible. Dans notre cas les porte-échantillons ont été entièrement réalisés en molybdène soit par frittage, soit par usinage d’un bloc de molybdène. Toutefois le titane pur est également une solution possible.

Les échantillons sont constitués de substrats de phosphure d’indium (InP) d’une épaisseur de 0,3 à 0,4 mm sur lesquels on fait croître les couches épitaxiées. Le substrat est collé à l'indium sur un porte-échantillon de standard RIBER de 2 pouces (figure II-4). Ceci permet la compatibilité des transferts dans tout le système sous ultra vide mais pose un problème pour le STM. Le porte-échantillon est constitué par un disque de deux pouces de diamètre, doté sur une face d'une couronne de diamètre légèrement inférieur au diamètre du disque. Sur cette couronne sont disposées deux séries de trois plots équidistants. Lors des transferts, l’échantillon est maintenu par une des séries de trois plots. Le passage d’une canne de transfert à l’autre s’accompagne d’un changement des plots assurant le maintien du porte échantillon.

Le système de transfert des échantillons vers le microscope a été réalisé en deux temps : dans un premier temps le système réalisé permettait de déposer l’échantillon avec son porte-échantillon d'une masse de 28g sur le microscope à effet tunnel. C’est dans cette configuration qu’ont été réalisées les premières expériences. Cependant les propriétés du système d’approche et de déplacement latéral du microscope étaient perturbées par la masse du porte échantillon alors que les tests préalables réalisés à l’atmosphère ambiante avaient été satisfaisants. En effet, ces déplacements fonctionnent suivant un principe d’alternance de frottement et de glissement d’un contact bille-plan (voir description du STM). Aussi l’augmentation de la charge et l’absence de lubrification due à l’air favorisaient le blocage du système. Les transferts ont donc été modifiés afin de déposer une masse minimale sur le microscope. C’est ce dernier système de transfert qui est présenté ici. Comme on le verra par la suite, l’allégement du porte-échantillon présente de plus l'avantage considérable de réduire les perturbations dues aux vibrations.

Les échantillons destinés à être caractérisés par STM sont collés sur une plaque de silicium de 1 pouce de diamètre et d'une épaisseur de 350 microns, fortement dopée pour assurer la conduction. Cette plaque est déposée seule sur le microscope. Pour cela un porte échantillon spécial a été réalisé à partir d'un porte-échantillon standard dit "indium free" (figure II-5). Ce type de porte échantillon permet de fixer la plaque de silicium par assemblage mécanique. Il est constitué de deux parties : une couronne et une collerette. La couronne porte les plots permettant les transferts, la collerette permet de maintenir le substrat. La couronne et la collerette sont assemblées par vissage d’un sixième de tour de la collerette sur les plots de la couronne. Sur le porte-échantillon destiné au STM trois trous ont été percés sur la face avant d'une collerette standard. La compatibilité avec tous les systèmes de transfert existants est assurée.

La figure II-6 présente les différentes étapes du transfert. Le porte-échantillon est sorti du bâti d’épitaxie (1) par une canne de transfert (2) commandée par un aimant extérieur. Une canne orthogonale à celle ci (3) vient prendre l’échantillon et l’amène dans l’enceinte du microscope. La collerette du porte échantillon est alors placée vers le bas. Un plateau tournant surmonté de trois plots (4) est amené par le bas. Les trois plots sont conçus pour s’engager dans les trous percés dans la collerette. Ils permettent de dévisser la collerette et ainsi de la désolidariser de la couronne qui reste sur la canne de transfert. L’échantillon n’est plus bloqué mécaniquement mais repose sur la collerette. La canne de transfert (3) est alors repoussée et on amène une fourchette (5) qui passe entre les plots du plateau tournant et vient se placer sous la collerette. Le plateau tournant est alors abaissé et la collerette repose sur la fourchette (5). Cette fourchette est amenée à la verticale du microscope. Le dernier transfert consiste en un plateau (6) muni de six plots permettant de maintenir le bord de la collerette. Ce plateau comporte un trou circulaire en son milieu de façon à pouvoir entourer l’assemblage tunnel (7). Le plateau (6) est monté pour prendre la collerette sur la fourchette. La fourchette est alors retirée et le plateau portant la collerette est descendu vers le microscope. Seul, le disque de silicium de 1 pouce de diamètre et de 0.3 mm d’épaisseur est déposé sur le microscope. Ce système bien que relativement complexe à décrire est simple d'utilisation. Il nécessite cinq à dix minutes pour effectuer le transfert du bâti d'épitaxie au STM.

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