V L'épitaxie par jets moléculaires
L'épitaxie par jets moléculaires (EJM) est une technique de dépôt de matériaux en couches minces, utilisée notamment pour les semiconducteurs III-V, et qui permet de maîtriser l'épaisseur déposée à une fraction de couche monomoléculaire près. La croissance est effectuée dans une enceinte de croissance EJM sous ultra-vide (10-10 à 10-11 torr). Ce vide est obtenu par un pompage ionique permanent assisté d'un pompage cryogénique pendant la croissance. Le substrat monocristallin (dans notre cas de l'InP) est placé sur un four qui permet de le chauffer. Sur l'enceinte de croissance (figure I-13) sont placées les sources, c'est à dire des creusets contenant l'un des éléments à déposer (In, Ga, As). Les sources sont obstruées par des caches commandés de l'extérieur. La source est chauffée de façon à évaporer ou sublimer l’élément qu'elle contient. Le gallium et l'indium sont évaporés sous forme d'atomes et l'arsenic est sublimé sous forme de molécules As4. Lorsque le cache d'une source est ouvert, un flux d'atomes In ou Ga ou de molécules As4 est émis vers le substrat où ils se déposent. Les molécules As4 se dissocient à leur arrivée sur le substrat en As ou As2.
Figure I-13 : Principe de l'EJM
L'échantillon est placé dans un four de croissance. Les sources contenant les divers éléments sont orientées vers l'échantillon et sont obstruées par des caches
La pression dans les flux émis est assez basse pour que ceux-ci soient en régime moléculaire au sens de la théorie cinétique des gaz, c'est à dire que les atomes ou molécules des flux n'interagissent pas avant d'atteindre le substrat. Les flux sont contrôlés en régulant la température des sources. Ces températures sont choisies selon la méthode des trois températures proposée par Günther en 1958 [54]: La température d'évaporation des éléments III, TIII, est supérieure à la température du substrat Ts. En revanche la température d'évaporation de l'arsenic, TV, est inférieure à la température d'évaporation des éléments III et également à la température du substrat (TIII > Ts > TV ). Ts est de l'ordre de 400 à 600°C suivant les matériaux et les conditions de croissance recherchées. Les flux arrivant sur l'échantillon sont caractérisés par la pression équivalente de flux, mesurée par une jauge ionique. Dans les conditions de croissance standard, la pression équivalente du flux d'arsenic est de l'ordre de 5 10-6 torr. Le flux d'arsenic est largement excédentaire par rapport au flux d'éléments III (In et Ga). Cet excès d'arsenic est caractérisé par le rapport des pressions équivalentes du flux d'arsenic et du flux des éléments III (appelé rapport V/III). Ce rapport V/III est généralement très supérieur à 1 (il peut atteindre des valeurs de l'ordre de 100 dans certains cas). Lorsque les éléments V sont en excès, la croissance est contrôlée par les flux d'éléments III. Si l'on peut négliger la désorption des éléments III (In ou Ga), et c'est généralement le cas, alors ces atomes sont tous incorporés à la surface. La proportion respective d'indium et de gallium dans le dépôt est déterminée par le rapport des flux incidents correspondants. Les molécules excédentaires d'élément V (arsenic) ne s'incorporent pas à la surface car il n'y a pas de site correspondant disponible. Elles sont désorbées et évacuées par la pompe ionique. Lors de la croissance sur un plan (001), cette procédure implique notamment que le dernier plan atomique est un plan d'arsenic. On parle alors de surface stabilisée par l'élément V.
L'homogénéité des flux peut ne pas être parfaite, notamment si la croissance est effectuée sur des substrats de grandes dimensions. Il est alors possible que certaines zones de l'échantillon soient plus riches en indium et d'autres plus riches en gallium. Pour éviter cet inconvénient l'échantillon subit une rotation autour de l'axe des flux afin de moyenner les effets d'inhomogénéité. Le contrôle de stoechiométrie des couches peut être réalisé ex-situ par double diffraction de rayons X. Cette technique permet de déterminer avec une précision inférieure à 10-14 m le paramètre de maille de couches épaisses (d'une épaisseur de plusieurs dizaines de microns). A ces épaisseurs les contraintes sont entièrement relaxées par la formation de dislocations et le matériau déposé adopte son paramètre de maille au repos (non contraint). Il est ainsi possible de déterminer avec une grande précision la composition du matériau déposé et de calibrer les flux d'indium et de gallium qui dépendent de la géométrie du système (ouverture des caches, angle d'incidence).